Le 21 juillet dernier, j’ai eu le privilège d’être invitée dans l’émission de la RTS « A Bon Entendeur » sur un sujet qui m’est cher: l’évolution de nos métiers.
« La pub nous traque et nous manipule jusqu’à l’absurde pour nous pousser à acheter ». Le titre de cette émission par contre ne correspond pourtant absolument pas à ma vision, ni ma manière de procéder !
Je crois au contraire que nos métiers ne cherchent plus à manipuler mais au contraire à informer, accompagner, proposer.
A mon sens, un marketing éthique, juste et vrai, c’est possible. Ne plus chercher à berner le consommateur, ne plus employer un marketing mensonger qui va nous pénaliser à long terme.
Si vous avez envie de regarder l’émission au complet, voici le replay. Si vous préférez en lire la retranscription, je vous souhaite une bonne lecture.
Interview par François Egger
Publicités mensongères, marketing genré et trop sexiste…. Voici l’image qu’ont les consommateurs depuis les années 50 du marketing.
Prenons l’exemple des parfums : vous observerez toujours une différence de prix entre la catégorie homme et femme : le message marketing est de faire comprendre au consommateur que c’est un luxe de mettre du parfum qui est plus important pour une femme qu’un homme. Cette différence est plus communément appelée la « taxe rose ».
Mais aujourd’hui, peut-on continuer à affirmer que le marketing est encore sexiste ? Trop généralisé ?
Sacheen Sierro, consultante en marketing et chargée de cours au SAWI, a tenté de répondre à nos interrogations.
— Sacheen Sierro, Bonsoir.
— Bonsoir.
— Vous avez travaillé pendant 10 ans pour des grandes marques, vous êtes aujourd’hui consultante en marketing et chargée de cours au SAWI. Alors quand on voit ces archives, on se dit qu’à l’époque on travestissait beaucoup la réalité.
— Oui absolument. A une époque parfois, on se permettait de contourner la réalité, de tricher un peu son consommateur, pour lui faire croire des choses qui n’étaient pas forcément dans le produit. On pouvait observer cette tendance.
— Et ce n’est plus le cas aujourd’hui ? On n’est un peu plus proche d’une sorte de marketing éthique ?
— Absolument, le consommateur aujourd’hui ne veut plus que l’on se moque de lui. Il a accès à tellement d’informations.
Internet nous donne accès à énormément de contenu, on ne peut plus se permettre de tricher parce que ça aurait des conséquences. Le consommateur s’en rendrait compte : c’est ce que j’appelle l’effet boomerang. Le consommateur, peut-être sur un malentendu, sur une publicité un peu aguicheuse, va acheter.
Il va consommer, puis il va tout de suite se rendre compte que la promesse n’est pas tenue, que le marketing est mensonger et les conséquences vont être fatales : il n’achètera plus jamais ce produit, il va mal en parler autour de lui. On a aujourd’hui un consommateur qui ne se gêne plus pour donner son avis. Donc on ne peut plus se permettre de ne pas être sincère ou authentique.
Le marketing éthique
— Et toutes les marques sont sincères et authentiques ?
— Non pas toujours, bien sûr, car il y a plein de manières de faire du marketing. Il y a des manières qui vont être authentiques, qui vont être vraies et il y a des manières qui vont utiliser peut-être encore les codes d’avant.
Mais ce que je pense, c’est que la manière juste de procéder, c’est justement de respecter son consommateur. Et c’est comme ça que la marque va durer longtemps, qu’elle va perdurer. Parce qu’elle aura créé une relation de confiance et ça, je pense que c’est essentiel pour être implanté solidement sur le marché.
La transparence
— Vous le disiez, internet à amené évidemment un accès à l’information, est-ce cela qui a aussi poussé les marques a opter pour d’avantages de transparence ?
— Maintenant on essaie d’être beaucoup plus ouvert, d’avoir une relation avec notre consommateur. On a envie de se montrer, on a moins de pudeur. Par exemple, on va lui montrer du backstage, peut-être un peu d’intimité, on va raconter notre histoire, l’histoire du fondateur. On a envie d’être dans le partage.
— On crée justement ce contact continu d’ailleurs, grâce aux vecteurs qui sont aussi multipliés avec les écrans et téléphone portable. Est-ce que justement les contenus changent avec ces nouveaux vecteurs ?
— Oui, si on parle par exemple de plateformes digitales, de réseaux sociaux, ce qu’on va chercher c’est l’interaction, l’engagement. C’est le partage et l’échange. On va poser des questions, ils vont répondre et ça va nous générer des commentaires, des likes, et ainsi nos contenus peuvent se permettre d’être plus spontanées.
— A l’époque on séduisait le consommateur avec des colorants, avec des univers, qu’est-ce qu’on trouve aujourd’hui pour pousser le consommateur à acheter ?
— Alors les univers, on continue à les créer. On crée un univers, une identité, du rêve, tout ça on continue à le faire. Par contre, pas sur des arguments mensongers comme le colorant qui fait croire à une saveur.
Cela n’est plus possible aujourd’hui parce qu’on doit être transparent sur nos ingrédients, sur nos contenus. Le consommateur a accès à ces informations, donc ce qu’on raconte peut toujours le faire rêver et doit toujours le faire rêver, mais pas sur une base erronée.
— Merci beaucoup, on vous retrouve tout à l’heure.
.
Seconde partie de l’émission « La pub nous traque »
— Sacheen Sierro, la publicité ciblée, personnalisée c’est le rêve ultime de tout publicitaire ?
— Evidemment, maintenant, on est capable de vraiment connaître avec précision notre consommateur et de lui proposer les contenus qui vont lui plaire. Ce qui fait qu’en terme de rentabilité, on peut vraiment optimiser nos budgets. Ainsi, une publicité, on la montre à une personne qui est déjà intéressée, qui achète peut-être un produit concurrent, et ça va nous permettre d’avoir une rentabilité, un retour sur investissement vraiment optimisé.
— Et ça c’est grâce évidemment à la digitalisation, c’est la grosse révolution qu’à vécu le marketing et la publicité ces dernières années. C’est vrai que le consommateur laisse aujourd’hui des milliers de données, c’est des aides précieuses pour vous ?
— Oui, parce qu’on est capable de connaître les centres d’intérêt, on est capable de savoir vraiment, d’avoir des profils identitaires : le genre, les critères sociodémographiques, mais surtout aussi des passions, des loisirs. Et ça va nous permettre de proposer vraiment le bon produit, le bon contenu à une personne qui va potentiellement être intéressée. Du coup, on est plus précis dans ce qu’on fait.
Les données
— Alors comment est-ce que vous pouvez justement traquer les clients ?
— En fait ces bases de données existent. Vous, à chaque fois que vous naviguez sur internet, que vous allez je ne sais pas peut-être sur Amazon, vous vous intéressez à un livre, un article, ces données sont regroupées.
Et quand moi je vais décider de déterminer une audience, je vais pouvoir dire : voilà, Monsieur François, il a tel âge, il est papa d’une fille de 6 ans, il aime le tennis, il revient de vacances. Et tout ça je vais le mettre dans ma sélection d’audience et vous verrez le contenu qui est justifié selon vos intérêts.
— Ce n’est pas un peu effrayant tout ça pour le consommateur ?
— Moi en tant que consommatrice, parce que bien évidemment j’achète aussi, je trouve ça au contraire pratique. Parce qu’effectivement, j’ai laissé des données mais ça j’ai envie de dire, c’est le jeu. J’achète en ligne, je laisse des données, je laisse des traces.
Mais en échange, je vais recevoir des contenus qui m’intéressent. Je viens de faire l’acquisition d’un petit chiot, eh bien on me propose pleins d’accessoires qui lui sont destinés. Donc ça me facilite la vie d’avoir des contenus qui représentent justement mes centres d’intérêts du moment.
Le marketing genré
— Pour revenir à ce marketing genré, cette logique sexiste a un peu même beaucoup évolué ces dernières années ?
— Aujourd’hui, si on prend l’exemple de votre archive du rasoir en version rose et orange, c’est le même produit. On a vu, les lames sont les mêmes et là on a juste raconté une histoire mais qui ne se basait pas sur les fonctionnalités, les propriétés du produit.
Aujourd’hui le marketing s’intéresse au centre à son consommateur, donc son besoin, ses attentes, qui il est, et ses particularités. Et donc le marketing devient genré mais au niveau de l’évolution produit, de l’innovation.
C’est-à-dire que si on reprend l’exemple du rasoir, une femme va avoir une peau différente, plus fine, elle a peut-être davantage besoin d’hydratation, elle va effectuer son rasage différemment. Et c’est le produit qui doit s’adapter à elle.
— C’est le produit qui devient genré et plus le marketing ?
— Le produit est genré, et automatiquement l’histoire qu’on va raconter autour va être genré aussi. Et on pourra lui raconter une histoire qui lui ressemble.
— Merci Sacheen Sierro.
— Merci.
–
Conclusion
J’ai eu beaucoup de plaisir à intervenir sur cette émission afin de partager ma manière de voir le métier, et son évolution sur les 20 dernières années.
Merci infiniment à M. Egger, toute l’équipe du tournage de A Bon Entendeur et à la RTS pour leur confiance et cet excellent moment passé ensemble. Et merci au SAWI de m’avoir fait confiance pour représenter le métier dans cette émission.
Merci de votre lecture.
Merci de tous ces retours que vous m’avez fait suite à cette émission.
Sacheen